La famille Lacorne

La Compagnie de Lacorne a été baptisée en l’honneur de la famille de La Corne qui a fourni au Canada certains des plus grands officiers des troupes de la Marine.

 

Jean-Louis de La Corne de Chaptes

En 1685, parmi les premiers contingents des compagnies franches de la Marine se trouvait le jeune officier Jean-Louis de La Corne de Chaptes.  Originaire de l’Auvergne, il est né le 23 octobre 1666 et avait perdu un œil lors de combats en Europe.  Mais, cette infirmité n’a pas retardé son ascension dans la colonie canadienne.  En 1693, il sera nommé lieutenant, puis promu capitaine en 1706.  Entretemps, il aura marié Marie Pécaudy de Contrecoeur, été commandant du fort Frontenac et perdu l’usage d’un bras.  En 1712, il reçut la croix de chevalier de Saint-Louis et demanda au roi d’être nommé commandant de Chambly.  Deux ans plus tard, celui que l’intendant Raudot décrivait comme étant un brave officier couvert de blessures fut promu major de Trois-Rivières.  Ce fut le début de sa carrière dans l’état-major des villes de la vallée du Saint-Laurent.  En 1716, il a été nommé major de Québec, puis lieutenant du roi en 1726.  Jusqu’à sa mort à Montréal le 6 mai 1732, il continua de servir le roi  avec dévouement.  De la même façon, ses fils serviront la colonie canadienne même après la Conquête.

 

Louis de Lacorne

Né à fort Frontenac, son fils Louis de Lacorne se distinguera en tant que militaire et négociant durant la première moitié du XVIIIIe siècle.  Les sources lui attribuent plusieurs noms, dont Jean-Louis, Pierre, Louis-Luc et Louis-François mais ses contemporains l’appelaient souvent chevalier de La Corne.  Tout comme ses autres frères militaires, il commence sa carrière comme cadet dans les troupes de la Marine.  Avant d’avoir 30 ans, il était déjà enseigne en pied et aide-major de Montréal en plus d’avoir épousé Marie-Anne Hubert de la Croix et investi plusieurs milliers de livres dans la traite des fourrures.  Après avoir été nommé lieutenant en 1738 et capitaine en 1744, il démontrera son talent militaire lors d’un raid en Acadie pendant la guerre de Succession d’Autriche.  En février 1747, étant commandant en second d’un détachement d’environ 300 Canadiens et alliés autochtones, il remplacera son commandant, Nicolas-Antoine Coulon de Villiers, après que celui-ci a été blessé et gagna le combat contre le colonel Arthur Noble et ses 500 hommes à Grand Pré.  Pour cette victoire, il reçut la croix de Saint-Louis.  La même année, il commanda un détachement devant retrouver un parti de guerriers iroquois alliés aux Britanniques.  Celui-ci fut intercepté par un groupe posté par Louis de La Corne près des Cascades et commandé par Jacques Legardeur de Saint-Pierre.

Après cette guerre, il participa à la construction de fortifications et à l’organisation de milice en Acadie.  Puis, il reçut le commandement de postes dans l’Ouest et explora la région de la rivière Saskatchewan et de la rivière Carotte.  De retour dans la vallée du Saint-Laurent au début de la guerre de Sept ans, il dirigea durant le conflit un parti variant de 1000 à 2000 hommes le long du fleuve entre Montréal et le lac Ontario.  Son talent militaire lui valut d’être proposé par le gouverneur Rigaud de Vaudreuil comme chef du bataillon de la Marine.  En 1759, il reçu la mission de déloger l’armée du colonel Haldimand de fort Chouagen.  Au printemps 1760, il fut blessé au cours de la bataille de Sainte-Foy lorsqu’il commandait un bataillon de la Marine.  Malgré cette blessure, il retourna rapidement continuer ses opérations d’observation le long du Saint-Laurent pour suivre l’avancée d’Ahmerst.  Après la capitulation, il décida de partir en France, mais il trouva la mort dans le naufrage de l’Auguste le 16 novembre 1761.  Parmi les rares survivants de cette tragédie se trouvait un des frères de Louis de La Corne, Luc.

 

Luc de La Corne

Luc de La Corne, aussi appelé La Corne Saint-Luc, est né à Contrecoeur durant l’automne 1711.  Comme la plupart de ses frères, Luc a commencé jeune sa carrière militaire dans les troupes de la Marine et il a réussi en affaires.  Entre 1738 et la Conquête, il y plus de 80 contrats d’engagement pour faire la traite dans les postes de l’Ouest le concernant.  Son talent d’homme d’affaires fit de lui un des Canadiens les plus riches de la fin du Régime français selon le sieur de Courville.  Pour sa bravoure démontrée lors du raid contre le fort Clinton, le gouverneur Beauharnois le recommanda comme enseigne en pied en 1742.  La même année, il épousa Marie-Anne Hervieux.  Près des Autochtones par le commerce et la guerre, il connaissait au moins quatre langues amérindiennes et servit souvent d’interprète ou commanda des détachements mixtes de Canadiens et guerriers autochtones.  Durant la guerre de Succession d’Autriche, par exemple, il dirigea un groupe de 150 hommes dans la région du lac Champlain et du lac George et harcela l’ennemi pendant quatre mois.  Puis, en juin 1747, avec un détachement de 200 hommes, il parvint à saisir fort Clinton.  L’année suivante, il devint lieutenant, puis capitaine en 1755.

Durant la majorité de la guerre de Sept ans, il servit comme officier attaché aux Amérindiens.  C’est la fonction qu’il occupa lors de la campagne de 1755 de Dieskau et de la prise de fort William-Henry par Montcalm en 1757.  L’année suivante, après la victoire de fort Carillon, avec 400 Canadiens et Autochtones, il harcela l’armée anglo-américaine et attaqua un convoi se dirigeant vers fort Lydius.  De cette attaque, ils firent 64 prisonniers, levèrent 80 chevelures, tuèrent un grand nombre de bœufs et détruisirent une grande quantité de ravitaillement.  Pour cette prouesse typique de la guerre «à la canadienne», Luc reçut la croix de Saint-Louis.  Durant la campagne de 1759, il continua le combat dans la région du lac Champlain, puis commanda les guerriers amérindiens à la bataille de Sainte-Foy au printemps 1760.  Après la reddition de Montréal, il embarqua avec deux de ses fils, deux de ses neveux et son frère Louis à bord de l’Auguste.  Des six de La Corne embarqués, il fut le seul survivant au naufrage arrivé en novembre 1761.  Il raconte dans son récit de l’événement avoir pris le commandement du groupe de sept naufragés.  Puis, en plein hiver, il marcha 100 jours jusqu’à Québec où il arriva le 23 février 1762.  Cet exploit est aussi raconté dans le roman Les Anciens Canadiens de Philippe-Aubert de Gaspé.  Ceci lui fit décider de rester au Canada.

Par le mariage de ses enfants, il s’associa aux meilleures familles de la colonie mais demeura un intrigant en incitant les Amérindiens des Grands Lacs à garder espoir dans le retour des Français au moment de la révolte de Pontiac et en négociant avec les insurgés lors de l’invasion du Canada par les Américains.  Finalement, il participa à la Révolution américaine du côté britannique en commandant les Autochtones lors de la campagne de Burgoyne de 1777.  Assisté par Charles-Michel Mouet de Langlade, un métis d’origine canadienne et outaouaise et aussi un vétéran de la guerre de Sept ans en Amérique du Nord, il ne put empêcher la défaite de Saratoga.  Il passa le reste de ce conflit en tant qu’aide de camp et continua à siéger au Conseil législatif, un poste qu’il occupait depuis sa création en 1775 et qu’il utilisait pour défendre les droits des Canadiens français établis par l’Acte de Québec.  Luc de La Corne décéda le 1er octobre 1784 et fut inhumé trois jours plus tard dans la chapelle Sainte-Anne de l’église Notre-Dame à Montréal.