Historique des troupes de la Marine

Probablement des Troupes de Terres et non de la Marine, mais les uniformes sont relativement semblables. Détail, Deuxième vue du port de Bordeaux, prise du château Trompette, 1759, par Joseph Vernet. Musée National de la Marine, Paris.


 

 

Lorsqu’il fut créé en 1669, le ministère de la Marine reçut dans son mandat la gestion de la marine française, mais aussi l’administration des colonies. À la même époque, les milices canadiennes ne suffisant plus à contenir la menace iroquoise, le gouverneur de La Barre demanda au ministre de la Marine des troupes et des armes.  Celui-ci réagit rapidement et recruta 150 soldats et 6 officiers à Rochefort pour se rendre au Canada à bord de la frégate La Tempête.

Ce premier contingent fut suivi par d’autres recrues qui firent grossir les rangs des troupes de la Marine en Amérique du Nord pour atteindre le nombre théorique de 2600 vers la fin de la guerre de Sept ans.


 

Référence : Cassell[1]

Comme le démontre le tableau 1, le nombre de compagnies des troupes de la Marine a évolué au cours du Régime français, mais la composition de ces unités a évolué aussi.

Référence : Cassel[2]

À noter que ces données sont les chiffres théoriques, les compagnies étant rarement complètes.  Il faut aussi considérer la présence d’un nombre variable d’officiers réformés, d’enseignes et de cadets non-officiels, et ce, dès la fin du XVIIe siècle.  La situation est similaire pour les musiciens (tambours et fifres) dont le nombre exact demeure difficile à évaluer.

De plus, les compagnies demeuraient des unités d’administration plus que de commandement direct en raison du système de garnison utilisé dans la colonie.  En effet, une grande partie des soldats vivaient chez l’habitant et partageaient leur mode de vie allant jusqu’à travailler aux champs ou occuper un métier.  Ceci aida beaucoup à l’inclusion des militaires dans la société coloniale et facilita l’établissement de plusieurs militaires après leur démobilisation.  Le système des casernes n’arriva que peu de temps avant la Conquête.

La nature de leurs tâches militaires accentua aussi la décentralisation des troupes de la Marine.  Durant leur histoire, les militaires des compagnies franches de la Marine participeront plus souvent à des expéditions qu’à des batailles de style européen.  Lors de ces raids, les officiers commandaient des groupes mixtes de soldats sélectionnés, de volontaires canadiens et d’alliés amérindiens.

De plus, en l’absence d’autres unités militaires, les compagnies franches de la Marine remplissaient aussi les rôles d’artilleurs, d’ouvriers dans la construction des forts, d’explorateurs, de diplomates avec les populations autochtones et d’assistants à l’administration pour maintenir l’ordre public et réprimer la contrebande.  Tous ces éléments démontrent une autre caractéristique importante des troupes de la Marine, la polyvalence.  Ceci ressort particulièrement en étudiant les principaux événements militaires auxquels ils ont participé (voir tableau 3).

Référence : Dechêne[3]

Ainsi, associées à la majorité des événements de la seconde moitié du Régime français, les compagnies franches de la Marine occupent une place importante dans l’histoire canadienne. Et, indépendantes des unités métropolitaines et présentes dans la colonie de façon continue pendant plus de 75 ans, elles peuvent être identifiées comme la première armée permanente du Canada.

 


[1] Jay Cassell, The Troupes de la Marine in Canada, 1683-1760 : Men and Material, thèse de doctorat, Université de Toronto, 1987,  appendice B.
[2] Ibid., appendice B.
[3] Louise Dechêne, Le Peuple, l’État et la Guerre au Canada sous le Régime français, Les Éditions du Boréal, Montréal, 2008, annexes A, B1 et B2.